mardi 5 mars 2013

Fragments d'une fantasy antique.

Anecdote : Grande amatrice de mythologie, je suis entrée dans le microcosme de la littérature SFFF française à travers l'anthologie Les Héritiers d'Homère (éditions Argemmios). Lorsque j'ai appris que Mnémos allait sortir un recueil autour des mythologies gréco-romaines, je me suis armée de patience pour en attendre la sortie. 



 


Titre : Fragments d'une fantasy antique

Auteurs : Romain Aspe, Fabien Clavel, Nathalie Dau, Lionel Davoust, Jeanne A. Debats, Nicolas Delong, Sylvie Miller & Philippe Wrad, Rachel Tanner.

Anthologiste :
David K. Nouvel

Éditeur :
Mnémos

Nombre de pages : 240 pages

Prix : 17 €

Couverture :
Rainbowchaser / Dreamstime

Quatrième de couverture
: N’avez-vous jamais rêvé de… 

Devenir le plus grand architecte du monde ?
Trouver des fragments perdus d’un roman à succès ?
Vous venger des Dieux… ou bien devenir leur détective privé attitré ?
Toucher un objet et savoir tout de son histoire ?
Répondre à la célèbre énigme du Sphinx ?
Mettre un terme à la faim dans le monde ?
Ou aimer un bel Apollon au point de l’avoir dans la peau ?

Neuf auteurs français, guidés par Homère et Virgile, sont partis en expédition dans le royaume d’Hypnos cueillir pour vous ces quelques fragments de rêves, et, telle une Pénélope des temps modernes, les ont tissés pour en faire des histoires, belles et vives, sanglantes et graves, anciennes et modernes. Ils ont, lors de leur périple, parcouru les immenses domaines de Rome et d’Athènes, parlé aux Dieux, mangé à la table de Trimalchion et se sont reposés sur les bords du Vésuve endormi. De retour sur nos rivages, ils sont maintenant le souffle contemporain des Muses. Écoutez leur chant, lisez leur prose, dégustez-les.
Ils sont à vous.

Ces huit nouvelles ont été écrites dans le cadre du colloque « L’Antiquité gréco-latine aux sources de l’imaginaire contemporain » (7-9 juin 2012), organisé avec le soutien de l’École Pratique des Hautes Études et de l’Université de Rouen, afin de démontrer la vivacité de l’héritage gréco-latin dans les fictions contemporaines de Fantastique, Fantasy et Science-fiction.

Mon avis :


Dans l'ensemble, je dois reconnaître que j'ai bien fait d'attendre. Cette anthologie a été à la hauteur de mes attentes et plus encore.

Tout d'abord, avec la première nouvelle, « Sur un fragment perdu du Satyricon ». En choisissant d'écrire un des chapitres perdus du Satyricon, Fabien Clavel se met sous le patronage des grands auteurs antiques. Plutôt que de s'appuyer sur un mythe, il préfère travailler autour de la mythologie qui s'est créée autour de ce texte. L'histoire qui est racontée dans ce fragment perdu est celle d' homme qui va tomber sous le charme de Giton et tout faire pour se rapprocher au plus de l'être aimer. Au-delà de l'histoire d'amour, il y a une véritable mise ne avant de la vie Romaine. Les cultes, la vie quotidienne, la religion, tout y passe, il y a non seulement une vraie recherche sur la société mais aussi une recherche sur le style du Satiricon. Un bel exploit de la part de l'auteur et une jolie ouverture.

Le texte suivant, « Le miroir d’Electre » de Jeanne-A. Debats est étrange. Aujourd'hui encore, je ne sais si je l'ai aimé ou non. Il y a une complexité chez les personnages qui m'a perdu. L'absurdité de l'univers avait des reflets de l'Écume des jours mais je m'y suis parfois un peu trop perdue (m'accrochant au titre comme à une bouée). La manière dont Jeanne-A. Debats revisite le mythe d'Electre est intéressant et j'aurai aimé que le texte ce recentre sur le mythe plutôt que sur l'idée tentaculaire dévoilée à la fin (et qui m'a semblé trop compliqué à appréhender).

En revisitant le mythe du labyrinthe, Romain Aspe propose une nouvelle spirituelle sur les désirs des hommes. Icar est à la fois un fils aimant et un jeune homme qui brise les règles au risque de s'y brûler. Si j'ai trouvé le début intéressant mais sans trop savoir par quel bout le prendre, la réflexion sur la vraie nature du Labyrinthe m'a conquise et j'en suis sortie avec ce sentiment étrange entre l'incompréhension et l'émerveillement.

« Le Sphynx » de Rachel Tanner est une nouvelle extrêmement courte et efficace. L'angle d'approche est surprenant et j'en ai aimé l'aura de noirceur qui l'enveloppe. La figure du sphinx est magistralement mise en avant avec tout ce qu'elle a de bestial et de cruel. Savoureux !

Avec « Faisabilité et intérêt zootechniques de la métamorphose de masse », Lionel Davoust nous propose une nouvelle qui prend la forme d'un rapport tout ce qu'il y a de plus officiel. Si ce genre de lecture me rebute la plupart du temps, ici, les références mythologiques distillées petit à petit et les touches d'humour noir m'ont plusieurs fois fait sourire et j'ai trouvé dans ce mélange entre mythologie et procédure un ton parfaitement délectable.

Il y a dans « Les Dieux veulent, les Dieux prennent », une réflexion sur l'être et le changement qui m'a beaucoup plu. Comment un personnage peut-il devenir son opposé (physiquement et moralement) par la faute des dieux ? Comment la colère, la rancune, peut-elle diriger toute une vie ? Nicolas Delong répond à ses questions avec une sensibilité certaine et ses personnages se nappent d'un voile de douleur et de vengeance.

Ayant déjà eu affaire au détective de Philippe Ward et Sylvie Miller, j'ai commencé « Voir Pompéi et mourir » un peu à reculons (non seulement elle est longue mais je n'apprécie pas plus que ça les aventures de Lasser). Ce n'est clairement pas une nouvelle pour moi. Trop de pulp, de rebondissement, trop peu de réflexions sur la mythologie. J'aime une nouvelle lorsqu'elle m'emporte intellectuellement pas lorsqu'elle est simplement divertissante et je n'ai malheureusement vu que le côté divertissant dans celle-ci. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une mauvaise nouvelle, loin de là, les personnages sont dynamiques, l'intrigue intrigante, le côté pulp très bien dosé ; je suis certaine qu'elle peut plaire à beaucoup de monde, mais je ne suis clairement pas le public visé. Dommage.

« À couteau » de Nathalie Dau, qui vient clôturer l'anthologie est une pépite. Je m'attendais à beaucoup de choses lorsque j'ai vu le nom de l'auteur sur la couverture mais je ne pensais pas être surprise à ce point. On y retrouve la plume ultra-sensible de Nathalie Dau qui peint les sentiments humains (notamment les plus sombres) avec une justesse qui m'a fait frissonner. Apollon, dieu solaire et lumineux, se fait de plus en plus obscur, de plus en plus terrible, de plus en plus divin. Le mythe est pris sous un angle nouveau et Marsyas devient l'amant et non plus le rival. Mais toutes les histoires ont une fin et Nathalie Dau fait preuve d'un équilibre entre délicatesse et cruauté admirables pour clore la sienne en beauté.

Le petit plus : la maquette intérieure, camaïeu de brun et beige claire.

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